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  • Anne De Vleeschouwer

Parcours d’intégration, entre idéal et réalité.

(English translation at end of page)


Il m’est proposé ici de poser, en quelques lignes, un regard de prise de recul sur ce qu’est devenu le Parcours d’intégration. Avant d’entamer cette brève réflexion, il est important de situer mon point de vue qui est celui d’une coordination du dispositif d’accueil des personnes primo-arrivantes et de l’équipe qui y est dévolue au sein du CeRAIC[1]. Engagée à ce poste en 2012, c’est par une expérience pilote dictée par l’Europe et la Wallonie qu’a débuté pour moi cette mise en place du Parcours d’intégration (PI), bien avant donc la parution du premier décret de 2014, effectif en 2015. C’est au bout d’un chemin de plus de 9 ans que j’ai quitté le bateau fin 2021, probablement à l’avant-veille d’une 4ème mouture du décret.


Coups de cœur et coups de gueule ont bien sûr jalonné ces années. Un coup de cœur de départ : l’existence même d’un PI en Wallonie, alors qu’il existait déjà depuis une quinzaine d’années en Flandre, et dans bien d’autres pays européens. Étant volontaire et ayant tout simplement comme objectif, dans un premier temps, de « fournir à la personne le soutien et les informations nécessaires pour mener sa vie dans notre Région, en toute autonomie »[2]… on ne pouvait qu’y adhérer. Son contenu était, et est toujours dans un certain sens, cohérent ; les collègues de terrain avaient le temps d’accueillir, d’écouter, d’informer et d’orienter les personnes étrangères et d’origine étrangère selon leurs besoins et attentes.



Sans obligation de suivi ni de délai donc, la pression n’était de mise que par la volonté de l’ensemble des acteurs de rendre ce PI de qualité, une saine pression. Et les act.rice.eur.s sont nombreu.ses.x : les personnes primo-arrivantes tout d’abord, les collègues de 1ère et de 2ème lignes des CRI, mais aussi bien sûr les collègues d’organismes de formation - publics et associatifs -, du SeTIS[3], des ILA[4], des CPAS[5], des Centres ouverts (Fedasil et autres), des Villes et Communes et des associations sociales, juridiques et culturelles gravitant autour de « l’intégration ».


Cette mise en réseau constitue un autre coup de cœur, qui dépasse de loin le cadre décrétal et qui pallie même quelques-uns de ses écueils. Pour que ce tissage de liens soit tout à fait constructif, il est important que le décret soit clair et que les moyens soient à la hauteur, tant sur le plan méthodologique et logistique qu’humain et financier, surtout qu’au fil des modifications du décret, la majorité des axes du PI sont devenus obligatoires.

"Je pense que l’obligation devrait être supprimée tant que les moyens (financiers et humains) ne sont pas à la hauteur, tout simplement"

Quelques coups de gueule donc, trop nombreux pour être tous cités. Épinglons-en quelques-uns comme la définition de la personne primo-arrivante discriminant les personnes issues des pays tiers sans beaucoup de nuance ; la lourdeur administrative grandissante tant pour les personnes étrangères que pour les collègues de terrain ; le manque d’offres de formation (français et/ou citoyenneté) dans certaines régions ; un allongement des heures de formation à suivre dans une durée de PI qui, quant à elle, est restée identique pour les personnes soumises à l’obligation.


La mise en réseau évoquée plus haut a permis, petit à petit, de dépasser d’autres obstacles ou difficultés comme l’absence de concertation entre les pouvoirs fédéral et régional au sujet des demandes de nationalité ou la triple obligation que subissent certaines personnes qui sont à la fois en PI, en PIIS[6] et en insertion socio-professionnelle. Plusieurs articles détaillent déjà ces freins rencontrés et les alternatives créées par la volonté (spontanée ou à stimuler) des différents collaborat.rice.eur.s.


Brièvement, et me permettant de rêver éveillée, je pense que l’obligation devrait être supprimée tant que les moyens (financiers et humains) ne sont pas à la hauteur, tout simplement. Sans moyens supplémentaires, le temps n’est plus trouvé pour un accompagnement de qualité, l’obligation et ses délais mettent sous une mauvaise pression les travailleu.se.r.s de terrain et les personnes primo-arrivantes concernées. Ces dernières ont bien d’autres choses à penser à la réception de leur titre de séjour (recherche d’un logement, ouverture de divers droits sociaux, inscriptions dans différents organismes, …), sans compter que certaines d’entre elles vivent une situation post-traumatique en arrivant dans notre région. En outre, depuis 2 ans, la crise sanitaire ne fait qu’ajouter angoisse chez les personnes primo-arrivantes et surcharge chez les collègues.


En guise de conclusion... L’amélioration d’un décret, même s’il a déjà été modifié à deux reprises, est toujours possible et est à réclamer, pourvu que le terrain soit écouté. Plusieurs recommandations de l’ensemble des 8 CRI et des Fédérations d’organismes de formation sont relayées depuis des années vers la Wallonie, sa Ministre des affaires sociales et son Administration. Une évaluation a eu lieu courant 2018, dont le rapport a été publié en mai 2019[7]. L’étude Migrant Voices, analysant notamment l’impact du PI auprès des personnes, est en cours depuis la crise sanitaire et prend actuellement un coup d’accélération. Il est à souhaiter qu’elle sera, elle aussi, prise en considération avant toute modification décrétale car elle donne concrètement la possibilité aux personnes de s’exprimer, de façon anonyme et en dehors du CRI, au sujet de ce dispositif. Une façon de savoir si le PI répond réellement aux besoins des personnes au-delà du devoir de suivi qu’il constitue. Presque tout est donc déjà écrit. La quatrième mouture du décret sera-t-elle dès lors davantage en cohérence avec la réalité de terrain ? Une gageure…


Le mot de la fin… Bien que le PI est devenu la mission principale des CRI, n'oublions pas que leurs missions ne s’arrêtent pas à cet accompagnement, et c’est un point fort en Wallonie par rapport à d’autres régions ou pays. Ce sont ces mêmes CRI en effet qui œuvrent – avec bien d’autres associations et institutions – à la sensibilisation, à l’information et la formation en vue de combattre les discriminations et le racisme. Ils œuvrent également à la consolidation des réseaux de partenaires et à plus d’égalité des droits dans une société qu’ils voudraient interculturelle. Tout ceci dans une perspective d’un mieux vivre ensemble dont le PI n’est, en réalité, qu’un maillon… Donnons-lui les moyens d’être un réel outil !

[1] CeRAIC : Centre régional d’intégration basé à La Louvière (un des 3 CRI du Hainaut) et compétent sur la région du Centre et dans le Nord de la Wallonie Picarde. [2] Selon la Note au Gouvernement wallon du 2 juillet 2012. [3] Service de traduction et d’interprétariat en milieu social, subsidié lui aussi par les [4] Initiatives locales d’accueil - liées au CPAS mais chapeautées par Fedasil – accueillant les personnes demandeuses de protection internationale et/ou déjà reconnues réfugiées. [5] Centre public d’action sociale, cfr. https://www.belgium.be/fr/famille/aide_sociale/cpas [6] Projet individualisé d’intégration sociale des CPAS [7] https://www.iweps.be/projet/evaluation-parcours-integration/


Parcours d'intégration, between ideal and reality.


It is my intention here to take a step back and look at what the “Parcours d’Intégration” (PI) has become. Before beginning this brief reflection, it is important to situate my point of view, which is that of a coordinator of the reception system for newcomers and the team dedicated to it within CeRAIC[1]. Hired in this position in 2012, it was through a pilot experience dictated by Europe and Wallonia that I began to set up the PI, well before the publication of the first decree in 2014, effective in 2015. It was after a journey of more than 9 years that I left the boat at the end of 2021, probably on the eve of a 4th version of the decree.


Of course, these years have been marked by several heartfelt moments and outbursts. One initial crush was the very existence of an PI in Wallonia, even though it had already existed for some fifteen years in Flanders and in many other European countries. Being voluntary and having simply as an objective, in the first instance, to 'provide the person with the support and information necessary to lead his or her life in our Region, in complete autonomy'[2] ... one could only agree with it. Its content was, and still is in a certain sense, coherent; colleagues in the field had the time to welcome, listen to, inform, and orient foreigners and people of foreign origin according to their needs and expectations.


There was no obligation to follow up or to meet deadlines; the pressure was only due to the will of all the actors to provide this quality PI, a healthy pressure. And there are many actors: first of all, newcomers, 1st and 2nd line colleagues from the IRCs, but also of course colleagues from public and associative training organizations, SeTIS[3], ILAs[4], PCSWs[5], Open Centres (Fedasil and others), Cities and Municipalities and social, legal and cultural associations working on "integration".


This networking is another favorite, which goes far beyond the decree framework and even overcomes some of its pitfalls. For this weaving of links to be completely constructive, it is important that the decree be clear and that the means be up to the task, both in terms of methodology and logistics and in terms of human and financial resources, especially since, as the decree has been amended, the majority of the PI's axes have become compulsory.


"I think that the obligation should be abolished as long as the means (financial and human) are not up to the task, quite simply”

So, there are a few complaints as well, too many to mention. Let's pinpoint a few of them, such as the definition of a “newcomer”, which discriminates against people from third countries without much nuance; the growing administrative burden both for foreigners and for first-line colleagues; the lack of training opportunities (French and/or citizenship) in some regions; an increase in the number of hours of training within the duration of the PI, which has remained the same for those people who are obliged to follow it.


The networking mentioned above has gradually made it possible to overcome other obstacles or difficulties, such as the lack of consultation between the federal and regional authorities on applications for nationality or the triple obligation faced by some people who are engaged in the PI, PIIS[6] and socio-professional integration at the same time. Several articles have already detailed the obstacles encountered and the alternatives created by the will (spontaneous or to be stimulated) of the various collaborators.


Briefly, and allowing myself to daydream, I think that the obligation should be abolished as long as the means (financial and human) are not up to the task, quite simply. Without additional resources, there is no time for quality support, and the obligation and its deadlines put a lot of pressure on the field workers and the newcomers concerned. The latter have many other things to think about when they receive their residence permit (finding accommodation, opening various social rights, registering with different organizations, etc.), not to mention the fact that some of them are experiencing a post-traumatic situation when they arrive in our region. In addition, for the past two years, the health crisis has only added to the anxiety of the newcomers and the overload of the colleagues.

In conclusion... The improvement of a decree, even if it has already been modified twice, is always possible and should be clamed, assuming that those in the front-line will listened to. Several recommendations from all 8 IRCs and the Federations of training organizations have been relayed for years to Wallonia, its Minister and its Administration. An evaluation took place during 2018, the report of which was published in May 2019[7]. The Migrant Voices study, analyzing the impact of the PI on people, has been underway since the health crisis and is currently gaining momentum. Hopefully, it will be taken into consideration too, before any change is made to the decree, as it gives people the opportunity to express themselves anonymously and outside their obligations. This is a way of finding out whether the PI really meets people's needs beyond the duty to monitor them. Will the fourth draft of the decree be more consistent with the reality of the people? A challenge...


The final word... Although the PI has become the main mission of the CRIs, let us not forget that their missions do not stop at this support, and this is a strong point in Wallonia compared to other regions or countries. It is these same IRCs that work - along with many other associations and institutions - to raise awareness, provide information and training to combat discrimination and racism. CRIs also work to consolidate networks of partners and to achieve greater equality of rights in a society that is deemed to be intercultural. All of this is done with the final aim of better living together. The PI is only one piece... Let's give it the means to be a real tool!

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